L'impact du gaspillage avec Anne la Banane
Quand on parle de gaspillage alimentaire, on pense souvent à la fin de vie de nos produits, ce qui reste de leur pauvre carcasse et ce qui finit à la poubelle. Mais avant ça, il y a pléthore de ressources, de travail et de temps qui ont été consacrés à sa production, sa transformation et son transport. C'est ce qu'on appelle le sac à dos écologique d'un produit. Et c'est tout ce bagage dont il est bon de prendre conscience pour savourer pleinement les nutriments de nos aliments et les chérir à leur valeur. Anne la banane n'est pas qu'un fruit formidable, c'est l'histoire d'une culture en Martinique. Gaston le saumon n'est pas qu'un poisson sympa, c'est l'histoire d'un élevage norvégien. Ginette la baguette n'est pas qu'une fierté nationale française, c'est l'histoire d'un champ de blé en Hexagone. On a fait des recherches, elles sont pour toi.
Laisse-toi enivrer par Anne, moelleuse et étonnante, qui a une vie pas comme les autres.
Ah, quoi de mieux qu'un smoothie banane-fraise-graine-de-chia-courge-betterave ? Oui, je sais. Pas grand chose. Mais Anne est tellement plus qu'une demi-lune jaune pleine de promesses. Anne est le fruit le plus produit et le plus exporté au monde. Un Français en consomme 8kg par an en moyenne, et bien qu'il existe plus de 300 espèces différentes, c'est Anne la "cavendish" que l'on consomme presque exclusivement. Anne est donc le fruit d'une monoculture, pensée pour maximiser les rendements et minimiser les coûts. Anne est néo-classique.
Quelles ressources pour Anne ?
Anne est une fille du voyage, elle commence sa vie dans des éprouvettes dans l'Hérault avant d'être envoyée à 8 000 km dans les Antilles, en Martinique. Elle grandit ensuite tranquillement sur ces terres exotiques, au climat propice à son bien-être : humide et chaud. A raison de 100 grammes d'engrais par pied, tous les trois mois et de 7 kilos de pesticides utilisés par récolte, elle est nourrie et protégée des méchantes bêtes affamées.
Anne est ensuite lavée à l'eau salée, si elle est belle, elle est choisie (si elle était laide, Anne aurait très vite été une victime de plus du gaspillage, sans regard en arrière d'une société trop portée sur l'esthétisme), séparée de ses consoeurs et rincée. Là commence son périple. On la transporte jusqu'au port le plus proche où elle passera 10 jours en mer sur un porte-conteneur réfrigéré propulsé au pétrole jusqu'à Dunkerque, puis en poids lourd, roulant toujours au pétrole, jusqu'à Rungis. Dans cette banlieue parisienne, elle restera 5 ou 6 jours, en phase de mûrissage, baignée dans l'éthylène à 18°C, avant d'être transportée à nouveau jusqu'à un distributeur, puis transportée à nouveau dans ton cabas jusqu'à ta cuisine. De là, va savoir comment elle finit. Chaque Anne a une fin qui lui est bien propre.
Anne et le CO2e
Durant son périple, l'impact d'Anne se répartit entre la production, le transport et le mûrissage. Dans l'ordre croissant de poste émetteur de gaz à effet de serre, le transport arrive en tête avec 65% du total des émissions.
Sans compter l'envoi des éprouvettes qui se fait en avion, parce qu'un avion ça vole hyper vite, le transport maritime réfrigéré consomme un max, déjà parce que les navires sont souvent remplis de carburants pas très chers avec une qualité moindre mais aussi parce que les frigorigènes utilisés génèrent beaucoup de gaz à effet de serre. Le transport maritime permet de faire voyager 90% de nos produits à travers le monde et représente 3% des émissions globales de CO2e. Si son impact est le plus faible en terme de tonne par kilomètre, le transport maritime est en constante augmentation et pourrait représenter 17% des émissions globales en 2030. Le fioul lourd utilisé est 2 000 plus toxique qu'un diesel et dégage beaucoup de dioxyde de soufre qui cause pluies acides et décès prématurés. Sympa.
Le deuxième poste de consommation est fièrement tenu par l'utilisation des engrais qui représente entre 24% et 49% du total des émissions en fonction des cultures. Malheureusement ces engrais sont souvent inorganiques et dégagent des émissions pas très sympa à base d'azote. Si les engrais aident les plantes à grandir et augmentent la productivité des cultures, ils sont mauvais pour nos sols, puisqu'ils déséquilibrent leur stabilité naturelle et conduisent sur le long terme à une certaine infertilité, tout en polluant l'eau sur leur passage. Et l'histoire se répète avec les pesticides, évidemment. L'humanité est ingénieuse, on a encore tellement de choses à améliorer. C'est excitant.
A cette étape de production s'ajoute la fabrication et la préparation des boîtes en carton qui serviront à stocker Anne, et qui pèse aussi dans son bilan CO2e.
(Bon, cette photo ne représente pas du tout la réalité d'une culture de bananes, soyons clairs, mais vous avez l'idée)
C'est le mûrissage qui atteint la troisième place, avec 10% des parts du marché des émissions. Le mûrissage répond à plusieurs critères pour permettre une belle Anne à sa sortie, dont la maintenance d'une température constante, sous tension électrique permanente, une circulation de l'air optimale et l'utilisation de l'éthylène, un gaz naturel qui, comme vous vous en doutez, n'est pas extrait sur place. Quand Anne est jaune, c'est le moment choisit pour qu'elle parade sous les yeux de consommateurs en recherche de bonheur.
L'impact du gaspillage d'Anne, en bref
En conclusion cher(ère) lecteur(trice), Anne pèse 80g de CO2e, 34,6 litres d'eau et des milliers de kilomètres. Penses-y quand tu l'épluches. Flambe là si tu la trouves molle. Smoothe là si elle ne te plait pas comme elle est. Fais en de la purée et rajoute du sucre pour quand t'es mal en point.
Anne est une banane qui a une sacrée histoire et pas mal la pêche. Elle mérite le respect.
Sources :
http://www.fao.org/world-banana-forum/projects/good-practices/carbon-footprint/fr/
http://www.terraeco.net/De-la-Martinique-au-supermarche,4242.html
https://www.planetoscope.com/co2/680-emissions-de-co2-par-le-trafic-maritime-mondial.html
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